mardi 26 mai 2020

Les plus grands glandeurs de l'Histoire


Quand on discute avec des punks aujourd'hui, on parle plus souvent politique que musique. Merci les Clashs ! Merci les antifas ! On défile République-Bastille-Nation. On se dit lucide. Authentique. On écrit des romans de critique sociale. Beaucoup d'optimisme, de foi en l'avenir, et un peu de connerie.
Et pourtant, à moitié endormi, dans le calme estival d'un dimanche matin, comment ne pas être hostile au militantisme, désengagé de l'engagement, méfiant vis-à-vis des résistants ?
Heureusement, il nous reste nos bières, nos cigarettes et notre Teppaz pour écouter à fond et 400 fois de suite l'unique 45 tours des Olivensteins, "Fier De Ne Rien Faire".

Je n'ai même pas le courage 
D'aller pointer au chômage 
Oui bien sûr j'ai le bon âge 
De pouvoir placer dans ma vie
Tous mes talents inusables 
Et mes charmes infinis 
C'est dur d'être si feignant 
Quand on aime tant l'argent 

Je suis fier de ne rien faire
Fier de ne savoir rien faire

Rien faire pas faire 
Faut l'faire défaire refaire...

De toute façon, ils n'auraient pas pu faire grand-chose d'autre  car le professeur Claude Olievenstein, psychiatre médiatique "spécialiste" des moeurs de la jeunesse et directeur d'une clinique pour toxicomanes, les a stoppés net. Il n'a pas apprécié la publicité pour son patronyme. Dans un des ces nombreux éditoriaux rageurs dans Le Matin de Paris, intitulé "NON AUX PUNKS !", le bon docteur invite à la censure de ce mouvement "crypto-fasciste", de cette jeunesse "mûre pour une aventure totalitaire, cruelle et sanglante". C'est dire s'il n'avait rien capté. Les Olivensteins, des fascistes ? Impossible, trop d'effort à faire. Et puis les pantalons d'uniforme sont toujours trop serrés. Une robe de chambre et un caleçon, c'est tout de même plus agréable. 

"Sometimes I sit and think, and sometimes I just sit", mantra bouddhisto-branleur pour spiritualité réellement New Age.

Cette ambiance débraillée, ce truc d'élève qui rêvasse au fond de la classe, près du radiateur, nous rappelle deux grands glandeurs du monde de la Culture : Jean Eustache et Jean-Jacques Schuhl.
"J'ai peine à imaginer deux personnes aussi passives et capables de ne rien faire si longtemps, strictement rien, une longue torpeur dans les bars, que Jean Eustache et moi, du moins en Occident. Non ! C'est pas juste : il jouait, au baccara, beaucoup ! Et puis les filles... beaucoup... de tout : des belles, des moches, des travelos du Bois... N'importe... En rentrant fauché du baccara... Et il a fini par faire un ou deux films. Moi, très longtemps, j'ai continué à ne rien faire. Là-dessus, c'était quand même moi le plus fort, qui ai tenu le plus longtemps. C'est ce qu'il appréciait en moi, je crois, cet aspect ascétique, plus nul que lui. Et puis j'ai cédé à mon tour : il a bien fallu que je commence à vaguement m'y mettre moi aussi... Il n'était plus là, quelques autres non plus, j'étais un peu seul alors à ne rien faire, c'est difficile, je ne suis pas un héros quand même ! Je n'avais plus personne avec qui ne rien dire, ou alors parler pour ne rien dire ! Alors autant un peu travailler, comme les autres.
De toute façon il aimait le rien, le nul, le beaucoup de bruit et puis rien, les foirades, quoi ! Ça devait bien finir comme ça : une annulation. Et bien sûr j'étais complice ­ un ou deux autres, aussi. On voulait lancer un mouvement, nous si immobiles ! Le nullisme ! Il était allé raconter ça au Nouvel Observateur au Festival de Cannes, ­le nul, le nullisme... n'être rien ! ­quand il a présenté La Maman et la Putain."
- Jean-Jacques Schuhl à propos de Jean Eustache dans Libération

Le silence éternel des grands espaces infinis vous effraie ? Baissez d'un ton, vous dérangez ma sieste !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés