Pour ma part, je serais très heureux si j'avais pu contribuer à démoder l'exotisme, cette photographie en couleurs. Étymologiquement, exotique veut dire : ce qui est en dehors. L'exotisme c'est l'utilisation littéraire de ce qui se trouve au loin, hors nos frontières, par exclusion et aux dépens de ce qui est au dedans. Or, ce que nous voulons faire, c'est justement le contraire : établir pour nous-mêmes et pour autrui des rapports nouveaux, exacts et constants entre notre pays et le reste de l'univers.
Un des procédés les meilleurs pour nettoyer notre littérature de tout le bric-à-brac des romantiques, c'est de fausser volontairement les tableaux qu'on fait de l'étranger. Parmi les écrivains nouveaux, les meilleurs s'y efforcent : voyez l'Allemagne de Mac Orlan; l'Allemagne, le Pacifique de Giraudoux; la Russie de Delteil. D'autres utilisent l'étranger du dedans, à la seconde puissance, comme Larbaud, après s'être soigneusement débarrassés des noms propres, des noms de lieux, des idiomes, de toute la couleur locale, chère aux écrivains de cabinet. Il n'y a plus de voyageurs. Il n'y a plus que des gens qui voyagent autour de leur chambre : cette chambre, c'est l'univers.
- Paul Morand, interview donnée à Frédéric Lefèvre
La poésie n’est pas dans un titre mais dans un fait, et comme en fait ces poèmes, que j’ai conçus comme des photographies verbales, forment un documentaire, je les intitulerai dorénavant DOCUMENTAIRES. Leur ancien sous-titre. C’est peut être aujourd’hui un genre nouveau
- Blaise Cendrars
Elle vient d'une famille riche, et ça se voit. Dans sa jeunesse, elle a voyagé un peu partout dans le monde, en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud, en compagnie d'amis riches, et de ces voyages elle a rapporté de magnifiques photos en noir et blanc. Elle a voyagé avant l'ère du tourisme de masse. Aujourd'hui, ce sont des gens comme moi qui fréquentent ces endroits-là, et aussi le premier dentiste venu, ou des employés de banque, des veufs, des jeunes en voyage de noces, et puis des hordes d'Américains parfois obèses et imbéciles. Certes, le tourisme de masse est une belle possibilité - mais on aurait peut-être pu s'y prendre autrement. Tel qu'il est aujourd'hui, il m'apparait comme un nouveau genre de consommation colonialiste, une exploitation de la destinée plus ou moins cruelle d'autrui. On pourrait le voir aussi comme un gigantesque alibi, la meilleure manière d'éviter le voyage intérieur, la connaissance de soi. Ou peut-être pas ? Peut-être s'agit-il tout simplement de curiosité.
- Ettore Sottsass, Écrire la nuit, le livre interdit
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