« Vision solaire »
Sans quitter les indistincts récifs de brume,
Il jette un regard
Vers le front de mer incertain de la Méditerranée,
Vive, ardente, indomptable,
Avec un savoir incertain
Et une sensibilité exaspérée.
Depuis sa nébuleuse septentrionale
Faite de cartes postales
Et de matelots d’imaginaires espaces,
Il vit en territoire lointain
Les poèmes de ses rêves méridionaux.
Il désire la vivacité insaisissable du Sud
Sans oser même l’approcher,
Toutes les amours sont paradoxales.
***
« Montée de l’Oratoire »
Les rues vont seulement de haut en bas,
Pentes bien dures en bord d’abîme
Où le murmure violent du mistral fait sa gymnastique
Sur les invisibles trapèzes de la ville,
Tu auras bien de la chance si tu peux t’y cramponner.
Sinon, plonge verticalement dans le vide,
Loopings et acrobaties piétonnes,
Chute languissante vers les rochers d’en bas.
Tu finiras étourdi
Par ta série mouvementée de tonneaux
Comme par la fenêtre nue qui donne sur la baie de Marseille.
***
« L’absence et l’exil »
À l’orée du port
S’étale la grande piscine de l’homme exilé
Barcelone, Marseille, Gênes, Port Saïd,
Mer de la soi-disante mutuelle compréhension.
Debout sur le parapet d’une terrasse trop sereine,
Mes yeux brutalisent la passerelle des cargo-boats en partance
Morceaux de quais détachés,
Aspect du métal civilisé.
Ni sédentaire, ni nomade,
Je suis le badaud sur le port,
Oublié et aphasique,
Les langues de l'adieu sont toutes étrangères.
***
« Vanneries et algues humides »
Des natures mortes de poissons,
Poésie de la mer et du commerce,
Exposées le long des quais :
Ecrevisses et langoustes vivantes,
Étranges petits monstres épineux,
Exportation de coquillages,
Expéditions de bouillabaisses en boîtes soudées.
Tous les océans du monde sont là
Devant moi
Dans la poussière et le soleil.
***
« Le chant des cigales »
Son rapide répétitif soutenu
De boites à musiques hallucinés,
Frictions lancinantes d’incongrues cymbales.
Orchestre fantôme encerclé de feu
Qui joue dans un paysage spectral
Desséché de soleil et de sel,
Comme en écho
Aux steamers hululant vers les vagues lointaines.
Le frottement de blocs sonores incompatibles,
Provence de Terre, Provence de Mer,
Nous joue sa mélodie du futur.
***
« Maison de tout 1er ordre »
Dans le Grand Hotel Métropole
On vend du provençalisme de bazar
Accompagné de soupe de coquillages,
Tandis que la vivante activité du port
Et sa mauvaise réputation universelle
Courbe le dos sous le poids
De la liberté pour tour-opérators.
Dans cette maison recommandée pour familles et voyageurs
Les poètes sont oubliés comme les crabes dans leur nasse.
***
« Séduction féminine du Sud »
Elle est un soleil qui brille pour tous
Sans plus d'explication que sa lumière inimitable,
Immédiate, presque brutale
Force sans réplique.
Retrouver les beautés du Parthénon
Dans l'intégrité solaire de sa sensualité,
Réaliser le destin surnaturel de l’homme
Dans sa jeunesse intemporelle.
Trop belle, comme une essence d’Orient qui sent trop fort
Elle nous offre le monde et nous en sauve.
***
« Vue splendide sur la mer »
Une embarcation approche dans l'eau moirée de gras
Les vagues arc-en-ciel se brisent sur d’autres vagues
On ne trouve personne contre qui se blottir
Pour faire barrage au vent venu de loin.
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