Sous un ciel atone, un dimanche de plus venait de s'écouler dans la mégalopole électronique. Les meilleurs ingénieurs du pouvoir en place, avec leurs ogives à particules d'iodure d'argent et d'azote liquide, n'avaient jamais réussi à venir à bout de ce phénomène climatique millénaire : le ciel gris et silencieux du dimanche après-midi.
On en était venu à ignorer le ciel et ses humeurs. L'éclairage urbain simulait parfaitement le plein soleil. Les parcs d'attractions miniatures et les jardin à thèmes mis en place au coeur de la ville occupaient suffisamment l'après-midi des citoyens ordinaires pour qu'ils ne s'en préoccupent pas.
Au loin, des lignes de chemins de fer transportaient des oisifs en vacances permanentes d'un lieu de villégiature à l'autre. Tel un tableau de Chirico, la mystérieuse présence des trains n'était plus visible qu'à l'horizon. Les oisifs, reclus dans ces wagons aérodynamiques en fibre de verre et de carbone, ignoraient également le ciel et sa mélancolie.
Ne restaient alors plus que des hommes et des femmes isolés, accoudés à leur fenêtre, pour se dire que ce ciel déprimant n'était rien en comparaison au néant de la ville, rasée puis redessinée après l'Armageddon télématique. Sa temporalité s'était érodée et elle était réduite à son essence utilitaire et géométrique. Les films de propagande montrant des citoyens joviaux profitant de places piétonnières et de jardins urbains n'y faisaient rien. Dans une pose méditative, ils portaient une cigarette à leurs lèvres. Une loi sanitaire interdisait la vente d'alcool et de tabac passée l'heure du déjeuner.
Échoués un peu plus que les autres sous ce ciel atone, la progression dramatique de leur existence était suspendue. Oubliés un instant les tourments intérieurs, les drames familiaux déchirants, les futiles affaires qui n'intéressent que les tabloïds et les tribunaux de province. Leur solitude non dissimulée les mettaient à l'abri du regard de Mammon comme de celui du Dieu protestant et puritain. Une intimité désirable.
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