"Vous êtes trop et trop peu dans ma vie. Trop pour que je puisse aimer quelqu'un d'autre. Trop peu pour me combler et me satisfaire. Vous me donnez trop pour que je puisse cesser toute relation avec vous sans un déchirement affreux. Vous me donnez trop peu pour que ce peu ne soit pas aussi insuffisant et douloureux que le rien. Votre amitié m'est une torture, et la rupture de cette amitié me serait une torture elle aussi. Vous êtes comme un couteau dans mon cœur. L'y laisser, ça fait mal. Mais l'arracher! Je me viderais de ma vie. Je suis écartelée entre mon amitié pour vous, mon besoin spirituel de vous, mon besoin d'être aimée spirituellement par vous, — et mon désir d'amour, mon désir de vivre, fût-ce quelques mois seulement, ma chair qui, elle aussi, a un besoin légitime d'être aimée. Si je ne veux pas vous perdre, il me faut sacrifier ma chair. Il me faut mourir vierge, ou oublier jusqu'à votre nom."
- Henry de Montherlant, Les Jeunes filles
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