vendredi 31 mars 2023

Méditerranée, poèmes (2)

Paul Cézanne, « Baie de Marseille, vue de l'Estaque », 1885

« Nostalgie du port »


Tendres docks,

Est-il encore possible de rêver

Face à cet horizon hypothéqué

De mâts et de coques ?


Ils ont disparu

Les rêves coulant en grands tas d’or

Ne restent plus

Que des souvenirs qui rôdent, dehors

Dans le silence frais de l’eau. 

 ***

« Lumière, encore » 


La lumière du Sud fait ciller tes yeux.

Elle veille sur tout ce qui domine l’eau bleue,

Abruptes montagnes de calcaire blanc,

Déesses grecques d’à présent.

Resplendissante, elle accroche partout ses éclats

Tu es bien ici chez toi.

 

samedi 18 mars 2023

Méditerranée, poèmes (1)

 

Georges Braque, « Viaduc de l'Estaque », 1907

« Vision solaire  » 


Sans quitter les indistincts récifs de brume,

Il jette un regard 

Vers le front de mer incertain de la Méditerranée,

Vive, ardente, indomptable,

Avec un savoir incertain

Et une sensibilité exaspérée.


Depuis sa nébuleuse septentrionale 

Faite de cartes postales

Et de matelots d’imaginaires espaces,

Il vit en territoire lointain

Les poèmes de ses rêves méridionaux.


Il désire la vivacité insaisissable du Sud

Sans oser même l’approcher,

Toutes les amours sont paradoxales.


***


« Montée de l’Oratoire »


Les rues vont seulement de haut en bas,

Pentes bien dures en bord d’abîme

Où le murmure violent du mistral fait sa gymnastique

Sur les invisibles trapèzes de la ville,

Tu auras bien de la chance si tu peux t’y cramponner.

Sinon, plonge verticalement dans le vide,

Loopings et acrobaties piétonnes,

Chute languissante vers les rochers d’en bas.


Tu finiras étourdi

Par ta série mouvementée de tonneaux

Comme par la fenêtre nue qui donne sur la baie de Marseille.


***


« L’absence et l’exil »


À l’orée du port

S’étale la grande piscine de l’homme exilé

Barcelone, Marseille, Gênes, Port Saïd,

Mer de la soi-disante mutuelle compréhension.


Debout sur le parapet d’une terrasse trop sereine,

Mes yeux brutalisent la passerelle des cargo-boats en partance 

Morceaux de quais détachés, 

Aspect du métal civilisé.


Ni sédentaire, ni nomade,

Je suis le badaud sur le port,

Oublié et aphasique,

Les langues de l'adieu sont toutes étrangères.


***


« Vanneries et algues humides »


Des natures mortes de poissons,

Poésie de la mer et du commerce,

Exposées le long des quais :

Ecrevisses et langoustes vivantes,

Étranges petits monstres épineux,

Exportation de coquillages,

Expéditions de bouillabaisses en boîtes soudées. 

Tous les océans du monde sont là

Devant moi

Dans la poussière et le soleil.


***


« Le chant des cigales »


Son rapide répétitif soutenu

De boites à musiques hallucinés,

Frictions lancinantes d’incongrues cymbales.

Orchestre fantôme encerclé de feu

Qui joue dans un paysage spectral 

Desséché de soleil et de sel,

Comme en écho

Aux steamers hululant vers les vagues lointaines.


Le frottement de blocs sonores incompatibles,

Provence de Terre, Provence de Mer, 

Nous joue sa mélodie du futur. 


***


« Maison de tout 1er ordre »


Dans le Grand Hotel Métropole

On vend du provençalisme de bazar

Accompagné de soupe de coquillages,

Tandis que la vivante activité du port

Et sa mauvaise réputation universelle

Courbe le dos sous le poids 

De la liberté pour tour-opérators.


Dans cette maison recommandée pour familles et voyageurs

Les poètes sont oubliés comme les crabes dans leur nasse.


***


« Séduction féminine du Sud »


Elle est un soleil qui brille pour tous 

Sans plus d'explication que sa lumière inimitable,

Immédiate, presque brutale 

Force sans réplique.


Retrouver les beautés du Parthénon

Dans l'intégrité solaire de sa sensualité,

Réaliser le destin surnaturel de l’homme

Dans sa jeunesse intemporelle.


Trop belle, comme une essence d’Orient qui sent trop fort

Elle nous offre le monde et nous en sauve.


***


« Vue splendide sur la mer »


Une embarcation approche dans l'eau moirée de gras

Les vagues arc-en-ciel se brisent sur d’autres vagues

On ne trouve personne contre qui se blottir 

Pour faire barrage au vent venu de loin.

Articles les plus consultés