samedi 2 avril 2022

Parenthèse lumineuse

« Le moment idéal réside justement dans cette licence exempte de soucis : c'est le dimanche de la vie, qui nivelle tout et éloigne tout ce qui est mauvais. »
 
- Hegel

La lumière tombait, oblique, à travers les persiennes. De longues zébrures étincelantes s'étalaient paresseusement sur le mobilier intérieur, donnant à l’ensemble un aspect étouffé.  On eut soudain dit que quelqu'un avait coupé le son. La marmaille en patinette, les grosses automobiles qui suent du pétrole irisé, les pochards bruyants, les maraîchers hâbleurs, toute la faune et la flore du vacarme organisé n'avaient pas encore rompu cette solennité antique. Ainsi, cette drôle de lumière des dimanches matins de printemps, illuminant crûment le désert pierreux des rue des Paris, pouvait insuffler à la ville cette sublime sensation de liesse retenue.

Derrière les persiennes, on s'accordait parfaitement à ce rythme silencieux. On entendait juste le tissu des draps. Fier de ne rien faire, l'homme se transforme en voyageur immobile propulsé à tombeau ouvert sur une autoroute mentale hallucinatoire. Rêver, sans autre finalité, au-delà des contingences. 

Les dimanches de la vie, baignés de soleil, sont une Atlantide d'avant les vagues. À l'abri, on y oublie tout : les bilans tactiles d'histoires d'amour déçues, les chutes de la Bourse, la politique, la médiocrité. Délivré de tout accablement, il n'est plus besoin de sortir dans le monde. Cet isolement terrible - quand pourrait-il être aussi beau ?

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